Sur cette parution, un tout nouvel éditorial qui va parfaire notre revue de presse sur « Actualité française ».
« Je dois sauver ce qu’il me reste de santé mentale. Conclusion : je ne déjeune jamais avec des gens chiants ! » pose-t-il d’emblée, à peine attablé au Café des ministères à deux pas de l’Assemblée, sa cantine où il a un rond de serviette siglé à son nom. Nous voici rassurés… On se demandait ce que devenait la forte tête de la droite, lui si discret depuis la dissolution qui a dynamité l’Hémicycle. Et pour cause, Aurélien Pradié « suffoque » et préfère rester en retrait face à une situation politique faite de compromis poussifs et de petits pas. « On est tous en train de devenir débiles et anesthésiés. Il y a un écart abyssal entre les enjeux qu’affronte le pays et le côté minable de ce que l’on vit. » « Minable », il insiste. « Tout ça est insupportable. Si vous êtes lucide, vous suffoquez. »
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Forcément, on l’interroge sur la campagne pour la présidence des Républicains, qu’il semble suivre avec beaucoup de distance. Bruno Retailleau s’est déclaré candidat mercredi, Laurent Wauquiez lui a emboîté le pas dès le lendemain. « En 48 heures, les deux belligérants se sont déjà beaucoup abîmés dans cette bataille pour un objet déjà mort… En politique, il y a une règle : se battre oui, mais pour quelque chose qui le mérite vraiment, griffe-t-il. On se bat pour son pays, pour obtenir un référendum, pour refonder un idéal politique, mais on ne se bat pas pour un astre mort. Le goût pour la destruction prend le dessus sur la lucidité. » Voilà qui a le mérite d’être clair.
Il aurait pu être ministre
Aurélien Pradié rentre de trois semaines à Capbreton (Landes), du centre de rééducation pour sportifs de haut niveau où il se rend deux fois l’an pour se remettre en forme à coups d’entraînements intensifs. Il y croise médaillés olympiques, militaires, membres du GIGN auxquels il cache autant que possible sa profession. La politique n’a pas bonne presse en ces temps troublés. Et il n’y va pas pour la ramener, lui longtemps catalogué comme la grande gueule de l’Assemblée. « Dans la limite physique de l’effort, j’ai appris là-bas ce que six mois de vie publique ne peuvent pas m’apprendre », dépeint-il, décontenancé par l’effondrement du niveau politique. La déclaration de politique générale de François Bayrou l’a laissé sur sa faim. « Rien sur le fond, rien sur la forme. C’est sûrement sa force… » regrette celui qui siège désormais parmi les députés non-inscrits, mais ne joue pas avec le feu de la censure. Avant l’arrivée de Bayrou à Matignon, il s’était vu au Haut-commissariat au Plan. Mais quoi de commun entre le centriste fasciné par Henri IV et le gaulliste social qui rêve d’épopée ?
Il y a des torches flamboyantes autour de nous et nous, on est des bougies chauffe-plat ! On est devenus des fades gestionnaires de la fatalitéAurélien Pradié
À 38 ans, il aurait pu devenir ministre à la faveur du retour de la droite au gouvernement. Emmanuel Macron en personne, murmure-t-on, aurait poussé son nom pour l’Agriculture. Michel Barnier en a décidé autrement, qui ne voulait pas de ministres trop ambitieux ayant un agenda pour la suite, laissant sur le banc de touche, comme lui, un Gérald Darmanin. Plus prosaïquement, il a sans doute été victime des jeux de chaises musicales propres à tout remaniement qui font que votre nom, à un moment en haut de la pile, peut soudain atterrir tout en bas. « Une erreur, il aurait fallu mettre des poids lourds », concède avec le recul un « barnieriste ». Sans doute le Lotois a-t-il aussi payé ses éclats passés, qui lui ont valu de solides inimitiés au sein de sa famille politique, Les Républicains, où il garde un pied dedans, un autre dehors. Déçu mais résigné, il avait mis le Savoyard en garde contre ceux qui, au sein même du « socle commun », avaient juré sa perte. La suite lui a donné raison.
Philippe, Bertrand, Ruffin…
Pour son grand chantier de « refondation » de la droite, Laurent Wauquiez n’a pas jugé utile de le consulter. Ancien secrétaire général de LR, avec rang de numéro deux, Pradié avait pourtant récolté pas moins de 22,3 % lors de la bataille pour la direction du parti en 2022. Mais n’avait-il pas déclaré qu’il quittait LR en juin dernier ? Il s’est présenté aux élections législatives anticipées sous l’étiquette de son microparti, « Du courage ». Un vrai-faux départ, en vérité, car il assiste à toutes les réunions des Républicains qui comptent, mais pas à celles, bien sûr, du groupe à l’Assemblée. Le petit doigt sur la couture du pantalon, très peu pour lui. Si sa famille politique le regarde avec circonscription, d’autres ne le perdent pas de vue. Il y a peu, il a déjeuné avec Édouard Philippe, dont il apprécie la hauteur de vue et la culture.
Engagé dans un cycle de conférences au long cours avec le collège des Bernardins (Paris 5e) sur le thème de la « dignité » qui lui est cher – on se souvient de ses combats en faveur du handicap et des petites retraites –, Pradié ronge son frein. Il rêve de conquête, de temps audacieux et se désole de la course de lenteur à laquelle le pays est condamné. « Est-ce qu’on doit s’habituer à ce spectacle ou est-ce qu’on garde un peu de lucidité ? Tout ça doit finir. Tout est devenu vacuité et dérision, alors qu’on est face à des défis d’une gravité rare. » Il évoque Donald Trump, Vladimir Poutine, la Chine : « Il y a des torches flamboyantes autour de nous et, nous, on est des bougies chauffe-plat ! On est devenus des fades gestionnaires de la fatalité. »
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Il aurait rêvé d’un gouvernement d’union nationale, de « bâtisseurs » comme il dit. Il n’a pas abandonné cet espoir. Il discute avec Xavier Bertrand, David Lisnard, Jean-Michel Blanquer, ou François Ruffin à gauche. Il y a peu, il a fait déposer la marque « les bâtisseurs ». On ne sait jamais, ça pourrait servir. Car il fait le pari que cette période servira de tamis et rayera de la carte les ambitieux trop tôt déclarés. « Plus ce spectacle dure, plus la page sera tournée demain avec brutalité. Je prends le pari que tous ceux qui parlent de 2027 ne seront pas sur la ligne de départ. Ce sont des doublures. Quelque chose d’inattendu adviendra. J’espère pour le meilleur. Je pense que le pays est encore capable de quelque chose de grand. Je piétine à l’idée que ce temps d’aventure nationale arrive », espère-t-il.
Face à cette lente décadence, il faudra tout rebâtir après la prochaine présidentielle, revoir tous les piliers de la Nation, de notre modèle social aux institutions, comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, plaide-t-il. « Ce qui changera les choses, c’est d’avoir autour de la table des bâtisseurs de droite et de gauche. Il va falloir tout bousculer, car on est au bout de tous les rouleaux. » Il a hâte d’y être. Et promet à ceux qui se poussent du col de piètres lendemains. Ils seront, pense-t-il, balayés par les urnes : « Qu’ils en profitent pour faire des tours en gyrophare. Comme on profiterait de la fin d’une époque. »
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